La Pierre-qui vire conte de la Nau ).
Mon bon Hebdo, l’istoère que jhe vas te raconter se passe dau coûté de Geay, dau temps vour’ La Roche-Courbon s’apeulait encoèr Romette.
In dolmen*, ine tablle de piare châfrée Piare-qui-vire ob Piare-Saint-louis, raport à thieu bon Roé qu’était v’nut zi rende la jhustice, se deursait de cont’ in routin bordé de jhenets, d’ajhon é de beurjhasse*. Les vieus disiant qu’en dessouc, o y avait in trésor, in « viâ d’or » ! D’aucuns disiant qu’en meutant l’eil su le creu dau mitan de la tablle, l’aviant été ébllojhés* peur ine lusance incréyablle ! D’aut’s disiant qu’au peurmier cot de la messe, peur la Nau, thièle piare virait beun, mais peursoune avait jhamais oyut le courajhe de zi aller voèr. Enfin, ol est thieu que le disiant … O y avait beun oyut ine ob deus disparitions, au matin de la Nau, d’aut’foés …
Thiélées istoères, deus drôles les aviant entendues dépeus zeu peurmières thiulotes courtes : ol était Peuyot, le fi à « Buferouille », le marichaud, é Guillaume, le fi dau seigneur de Geay. L’étiant émits dépeus teurjhous ; Peuyot ajhidait son père à la forjhe, é Guillaume était in chevalier, anvec ine armée de marcenaires atrénés peur fare la yère ; daus seigneurs les embauchiant peur alumer* les seigneurs voésins é étende zeus benasses. Thièle Nau, Guillaume avait pu in sou peur péyer ses oumes, é sa piâ valait pu grand’ chouse !
Peuyot, li, rêvait d’eîte assez arjhentous peur marier l’Anjhélique, la feuille dau réjhisseur dau château.
Thieu dimanche de l’Avent, les deus émits, dans l’auberjhe de Maître Jhau, avant imajhiné in moéyen peur s’enrichir …
Au sèr de la Nau, quant zeus familles partiant à la messe de mineut, à l’égllise dau vilajhe, Peuyot é Guillaume se trouiant devant la Piare-qui-vire. L’aviant ataché daus saches* à zeus ceintures de theur*.
Au peurmier cot de mineut, o sourdit* dau creu de la piare ine rèye de souleuil, é la Piare-qui-vire virit, évenaillant* l’entrance d’in souterrain.
Le batiant daus dents, de fré é de poure … Le zou aviant décidé, asteur l’aliant zou fare. L’avant enmâré* in cordâ* au grous châgne, é l’avant gllissé jhusqu’au fond dau gour*, in fllambon* à la min. A ine cafourche*, o y avait troès colidors, l’avant choési thieu dau mitan. Peuyot, qu’était le moins rassuré, s’était mis à sublloter, Guillaume otou.
Bintoût ine sorte de lac zeu copit la route. Guillaume, qui crindait pas sa piâ*, se gaujhit* le peurmier. Peuyot, debout au bord de l’éve, prêt à fare demi-tour, écarcaillit les eils ; ine coquecigrue*, moétié sillar*, moétié drôlesse, si tèlement jholie, zi chaurissait*, à li, Peuyot. A zi peurnit la min é le se retrouit à coûté de Guillaume, coum’ dans n-in rêve ! L’était sé* !
En marchant, Peuyot sonjhait à soun’ Anjhélique ; Guillaume, li, pensait que thieu trésor, o s’rait trot bête de le cartajher anvec soun’émit …
L’entendiant daus bruts étranjhés, daus forlasseries* d’ales, daus grafignures*su les parois, daus patouillajhes su la sole, daus miâlasseries*, daus carcassements*.
É pi, là, devant, o y avait ine goulète pas beun larjhe, vour’ le se yilant*, peur abouter dans n-ine grande salle voûtée anvec dans son mitan ine arche* cormée*, cossounée* é ébadillée* qui thyitait ribaler* daus louis d’or !
Pas châ p’tit, les drôles avant remplli zeus saches ! Asteur, o f’lait déclloter* de là avant que la messe sèye finie, é que les clloches souniant !
Acoté* peur le poué daus louis, Peuyot bufait dare Guillaume qu’avait pu qu’ine idée : s’en retorner tout seul au vilajhe peur eîte sûr de garder le segret, é surtout peur arcoumencer thièle espédition totes les Naus à v’nir !
À la cafourche daus troés routins, le voéyit in chat nègue aus eils teurlusants* qui se rolit su ses jhambes en zi maraudant* :
- T’es en pardition, Guillaume ? Seugue-me*, jhe vas t’ajhider à sortir …
Amprès in moument d’étounement, é envoûté peur le Mistigri, Guillaume tornit à drète.
Peuyot, le voéyant pu, uchit amprès li, quant i sentit thieuque chouse zi friler* l’épale. Dans soun’oreille, ine tote petie voé marmusait :
- Toun’émit a pris de l’avance. Seugue-me !
Ol était in jhentil farfadet qui cotit* su la sole, é en sautiquant, tornit à gauche, Peuyot dare li.
La clloche de la fin de la messe de mineut sounit in cot, la piare se meutit à virer. Aripé au cordâ, Peuyot oyut jhuste le temps de se couler déhor, mais, dans l’étreté* de la musse*, les saches s’avant épenillées*, les louis avant dériboulé* dans le gour.
De Guillaume, point. Peuyot s’rentrit à la méson.
Le lendemain, le drôle, qui créyait avoèr rêvé, trouit au fond d’ine sache dépecée, ine dizène de louis d’or ! Joéyouse Nau ! In p’tit pu tard, au printemps, le mariait l’Anjhélique.
Peursoune a jhamais queneussut son segret, é Guillaume a jhamais douné de ses nouvèles !
Ce conte de Noël a-t-il une morale ?
Joyeux Noël 2013 à tous !
LEXIQUE : * dolmen : du breton taol, tol (table) et men (pierre) ; * beurjhasse : bruyère ;
* ébllojhés : éblouis ; * alumer : attaquer ; * sache : sac de jute ; * theur : cuir ;
* sourdit : sortit ; * évenaillant : découvrant ; * enmâré : attaché ; * in cordâ : une corde ;
* gour : gouffre ; * fllambon : torche ; * cafourche : carrefour ; * crindait pas sa piâ : était courageux ; * se gaujhit : entra dans l’eau ; * coquecigrue : créature à corps de couleuvre, buste et tête de fillette ; * sillar : couleuvre ; * chaurissait : souriait ; * sé : sec ;
* forlasseries : frôlements ; * grafignures : griffades ; * miâlasseries : miaulements faibles et insistants ; * carcassements : croassements ; * se yilant : se glissent dans un passage étroit ;
* arche : coffre ; * cormée : pourrie ; * cossounée : vermoulue ; * ébadillée : fendue ;
* ribaler : tomber ; * déclloter : sortir d’un trou ; * acoté : ralenti ; * teurlusants : brillants ;
* en maraudant : en miaulant ;* seugue-me : suis-moi ; * friler : frôler ; * cotit : sauta ;
* étreté : étroitesse ; * musse : passage étroit ; * épenillées : déchirées ;
* dériboulé : dégringolé.
Ce conte est inspiré d’Un conte de Noël saintongeais par Robert Colle in Légendes d’Aunis et Saintonge. J’y ai ajouté quelques créatures.
Pour l’écriture en patois, je remercie le LEXIQUE de la SEFCO.
NB : Ne cherchez pas la Pierre-qui-vire, elle a été détruite en novembre 1876.
Lucie Mémin. ( pour la SEFCO)