Mangez-moi (Destin de courge).
Cohourge, péponie, pépon ou péponide,
De la ronde race des cucurbitacées,
Lisse et dorée, je suis une courge sans rides,
La courge-spaghetti, ovale et ramassée.
J’ai pour petites cousines la violon,
La musquée, la citrouille et la portemanteau.
Je vous offre paroi charnue sur corps oblong
Qui tendrement s’écarte sous votre couteau.
Déterminé et enclin à la sympathie,
Vous prélèverez mes blancs pépins sans émoi.
Si vos yeux me regardent avec appétit,
Lors, dans l’eau frémissante et salée, jetez-moi.
Quinze minutes suffiront à ma cuisson.
Maintenant, égouttez moi, puis épulpez-moi.
Au fond d’une poêle, sur le beurre en frissons,
Où je dorerai à feu doux, étalez-moi.
Vous me parfumerez, là, d’ail et de persil,
Me salerez, me poivrerez, me goûterez.
Veloutée, sous votre langue, en mets subtil,
De grâce, je fondrai et vous enchanterai.
Si par malchance, je n’ai pas su vous charmer,
Et si je n’ai pas su réveiller votre faim,
Alors bien peu m’importe mon sort, enfermé
Désormais dans le creux délicat de vos mains.
Jeudi 19 octobre 1995
Accessit 2004 prix Henri Mériot.